Les vers transcrits dans cette pièce – une infime partie de ceux qui ont été conçus, transmis et mémorisés dans les prisons de la Roumanie communiste – ont été en même temps des moyens de communication, d’expression, mais aussi de résistance intellectuelle, psychique et politique. Leur sélection n’a été – ni alors, par la mémoire collective, ni aujourd’hui par les yeux de la postérité – une sélection strictement esthétique. D’ailleurs, l’importance et le sens de leur existence ne s’inscrit pas, en dépit de quelques véritables chefs-d’œuvre, dans les limites de l’histoire littéraire.
Nés sans crayon ni papier, transmis de cellule en cellule par l’alphabet Morse frappé dans les murs, ces vers ont été en égale mesure des exercices de gymnastique mentale, de défoulement spirituel, de solidarité humaine, d’élévation spirituelle, d’ascèse par l’acceptation de l’anonymat. Pour certaines de ces créations, les auteurs demeurent inconnus aujourd’hui encore. D’autres ont trouvé, entre temps, leurs célèbres auteurs, mais nous avons préféré les mélanger sans noms, comme au moment de leur naissance. Ceux qui les ont mémorisés alors ont été tout aussi importants et nécessaires que ceux qui les ont composés.
Cette salle doit être comprise comme un grand hommage aux poètes qui ont souffert, à ceux qui sont devenus poètes par la souffrance et au peuple en état de produire cette étonnante plante capable de grandir dans les ténèbres : la poésie dans les prisons.