La Fondation Academia Civica a organisé un débat documentaire sur le Syndicat Libre des Ouvriers de Roumanie, fondé il y a 25 ans, par le médecin Ionel Cana et par un groupe d’intellectuels et d’ouvriers. Deux ans après la répression de la grève des mineurs de la Vallée de Jiu et du mouvement déclenché par l’écrivain Paul Goma, le S.L.O.R. a diffusé dans tout le pays un programme de revendications et a réussi à ramasser plus de 2000 adhésions, venant des milieux sociaux et des zones géographiques les plus divers. Cette démarche reste un symbole de la tentative des Roumains de s’opposer au monopole de l’Etat totalitaire. Ont pris la parole : le médecin Ionel Cana, l’ouvrier Vasile Paraschiv, Gratiana Popescu (la sœur de la syndicaliste Carmen Popescu) et Mara Stefan, qui ont évoqué les moments de la fondation du syndicat et de sa destruction par la Securitate, par le truchement d’arrestations, de congédiements, de condamnations et d’expulsions. Dans une lettre qu’il a envoyée d’Allemagne, l’ingénieur Gerhard Nikolaus Kneip a décrit la naissance du S.L.O.R. à Timisoara. Cicerone Ionitoiu, le médecin Ion Vianu et Victor Frunza ont parlé de l’écho que le syndicat avait éveillé en Roumanie et à l’étranger, tout en précisant le rôle particulier qu’ont tenu les programmes de la radio « l’Europe Libre » dans l’unification du mouvement. Possesseur d’une riche archive du syndicat, le médecin Ionel Cana a illustré les discussions avec des exemples tirés des enregistrements de ces émissions. Par cette discussion, déroulée dans une atmosphère émouvante, Academia Civica complète la série des moments d’histoire récente (tels les mouvements de Brasov, de 1987, ou les mouvements contestataires des intelectuells et des ouvriers, des années 1970-1980), évoqués en présence de leurs protagonistes, au siège de Bucarest et au Mémorial de Sighet. Ana Blandiana, animatrice de la discussion, a mis en évidence la continuité de la résistance anticommuniste, qui, après les années de répression sanglante pendant le régime de Dej, a eu à surmonter, à l’« époque d’or » des obstacles plus durs, mais plus pervers, tout en réussissant à mettre en avant le mécontentement d’une couche issue des rangs de la classe ouvrière même, ce qui a érodé et compromis la définition de la « dictature du prolétariat » et du socialisme réel, jusqu’à la chute du régime, en 1989.