Si on s’est pris de manière différente pour détruire les églises chrétiennes de Roumanie, le but visé était toujours le même : déraciner la foi et imposer l’athéisme matérialiste dialectique.
Dans le cas de l’Église Orthodoxe Roumaine, majoritaire et disposant du statut d’église nationale, c’est de la décapitation qu’on a fait usage. Les hauts prélats furent remplacés (« déchus ») et certains d’entre eux moururent dans des conditions suspectes. D’autres furent arrêtés et reçurent une « assignation à domicile » dans des monastères. Les nouveaux élus étaient promus sur des critères d’obédience vis-à-vis du régime. En ce qui concerne les prêtres, l’on estime que, tout au long des années, près de 2 000 furent arrêtés. En 1959, la Securitate et le Département d’État
pour les cultes réduisirent de deux tiers le nombre des monastères et des moines, en transgressant même la volonté du Patriarche. Ils alléguaient que les monastères cachaient des partisans venus des montagnes et aussi les éléments réactionnaires. Certaines abbayes (dont Vladimireşti) furent évacuées par les forces armées. Et ce fut toujours dans les années 1959-1960 que des centaines de prêtres furent arrêtés.
La raison ? Ils… disséminaient le mysticisme, prêchaient contre le matérialisme dialectique ou s’opposaient au régime socialiste ! Les cercles de discussions furent interdits et, pour la dissuasion, des procès politiques furent fabriqués (le « Bûcher allumé », un cercle de discussions du Monastère Antim qui poursuivait « la résistance
spirituelle », dans les années 40). Une organisation laïque orthodoxe – « Oastea Domnului » (L’Armée du Seigneur) – fut détruite, et ses leaders – arrêtés.
L’Église Uniate, la deuxième église nationale, avec 1,5 millions de fidèles, fut interdite en octobre 1948. Peu de prêtres signèrent la déclaration de conversion à l’orthodoxie. Pour avoir refusé, les évêques et les prêtres furent arrêtés, furent assignés à résidence dans les monastères orthodoxes et, en dernier recours, furent amenés à Sighet. L’église fonctionna clandestinement ; à la place des prélats arrêtés, d’autres furent nommés, in petore, qui subissaient peu à peu le même sort, étant également arrêtés. Le premier des évêques morts en captivité fut Vasile Aftenie (en 1950, pendant l’enquête, au Ministère de l’Intérieur). Ioan Suciu, Traian Frenţiu et Tit-Liviu Chinezu moururent à Sighet. L’évêque Iuliu Hossu, celui qui donna lecture à la proclamation d’Alba Iulia, dans le cadre de la grande Union avec la Mère Patrie, s’éteignit en 1970, dans un hôpital, alors qu’il était encore assigné à résidence.
L’Église Catholique de Rome connut, tout au long de la période communiste, un statut d’église tolérée, mais sans être reconnue officiellement pour autant. Le Concordat avec le Vatican fur unilatéralement dénoncé par la République populaire de Roumanie. Parce qu’elle avait des « relations avec l’étranger » (ce qui aux yeux des leaders communistes était quelque chose d’infamant), cette église fut considérée « une officine impérialiste », « nid d’espions et de traîtres », etc. Toute une série de procès politiques se soldèrent par la condamnation ou l’expulsion du personnel de la Nonciature Apostolique de Bucarest. Comme dans le cas des autres églises, les écoles catholiques furent supprimées et reprises par l’État, les évêques et les curés furent arrêtés, et condamnés à de lourdes peines de prison. Beaucoup d’entre eux moururent en captivité. Un panneau spécial, d’une expression artistique troublante, est dédié à Monseigneur Vladimir Ghika.
Les cultes protestants et néo-protestants furent également poursuivis et persécutés, avec la motivation qu’ils auraient été dirigés « de l’extérieur ». Pour les communistes, il était inconcevable qu’une activité, même confessionnelle, ne soit soumise à leur contrôle.
Dans les prisons communistes, les représentants de tous les cultes continuèrent leur mission, en passant outre les barrières confessionnelles, mais aussi l’acharnement des geôliers. Des témoignages oraux ont fait état de véritables exemples de fraternité oecuménique. Une étude de cas est consacrée au pasteur Richard Wurmbrand, qui a dédié les années faisant suite à sa conversion au christianisme à l’activité missionnaire.